Friday, August 10, 2012

LFF 2012 - INTERVIEW Jessica Mansour


SELECTION 2012  - " Melody in the shadows "
Fiction (voir article COMPETITION Partie 1/4)


Qu’est ce qui te passionne dans le cinéma ? Qu’as-tu envie d’exprimer à travers tes films ?

J’aime tous les genres, mais ce qui me touche se sont les histoires réalistes, humaines, qui ont un message à faire passer. J’aime les films qui bouleversent, auxquels tu penses encore après.
J’admire le documentaire, mais personnellement je préfère faire des fictions. Mon film « Melody in the shadow » aurait pu être un documentaire, car il parle d’un problème que nous sommes en train de vivre au Liban, notamment la démolition des bâtiments historiques et des traditions libanaises. J’ai cependant préféré traiter ce sujet à travers une fiction, car j’aime parler des relations humaines et puis cela m’a permis de mixer ces deux choses : les relations humaines et l’histoire.
 
 Que symbolise donc le bar pour toi ?
Il symbolise la société libanaise. Les sept personnages, de tranches d’âges différentes et de milieux sociaux divergents, ont chacun une propre histoire et parlent d’un sujet relatif à la société libanaise. Ils ont tous un problème…

Des problèmes personnels ou avec la société ?

Le médecin par exemple a un problème avec la société, la pauvreté, il a des idées révolutionnaires…La femme par contre a un problème personnel mais qui est propre à de nombreuses femmes au Liban : la peur de vieillir. Il y a des liens entre les histoires personnels des personnages et la société libanaise qui est en train d’être détruite.

A la fin de ton film le bar est fermé, mais on entend les voix, on entend la musique…Il y a comme une âme qui reste…

Exactement, pour moi les souvenirs ne s’oublient jamais. C’est ça le message. Le bar va être fermé contre la volonté des habitués. Ils ne partent pas, ils reviennent tous les jours et essayent de vivre leur routine jusqu’à la dernière minute.  

Ils sont donc heureux avec cette routine ?

Chaque être humain s’habitue à sa situation, même s’il n’est pas heureux. On pense mille fois avant de voyager, de changer ses habitudes qui sont chères à soi-même.

Si on perd ses habitudes, ses repères, sa routine on perd son identité ?

Oui. Quand on est en train de détruire des bâtiments traditionnels, on est en train de ruiner notre identité. On va finir par ressembler à d’autres endroits…

Pourquoi d’après toi la société libanaise n’est pas plus impliquée contre les démolitions actuelles, par exemple tout récemment  la destruction du port phénicien?

Il y a des jeunes impliqués. C’est ma raison de faire ce film. Il faut transmettre un message. Beaucoup de personnes se demandent qu’est ce qui  va venir à la place  de cet endroit, moi j’ai envie de me poser la question : qu’est-ce qu’il y avait avant à cet endroit ? C’est eux  [les personnages du film] qui sont importants, l’âme qui est dans ce lieu-là.

Ne penses-tu pas qu’il y a aussi un travail sur le passé, l’histoire qui n’est pas fait ?

On doit apprendre de notre passé ou bien on refait la guerre. On ne peut pas oublier le passé.

Comment as-tu réussi à réunir tous ces acteurs connus ?

J’ai eu de la chance… J’ai fait la connaissance de Rodney El Haddad et c’est lui qui m’a par la suite introduit à Julian [Farhat] et Alain [Saadeh]. Ils ont aimé le scénario, le message et ont accepté. Ils aiment aider les étudiants, contribuer avec leur talent aux films de diplôme. Evidemment j’ai vu les acteurs plusieurs fois avant de tourner.
Ils m’ont laissé les diriger, m’ont aidé, écouté. Ils ont mis leur touche tout en suivant ma vision à moi.  

On reste un peu sur notre faim avec ton court-métrage…Est-ce que tu as le projet de développer ce scénario ou ce sujet ? 

C’est un sujet très important, ce n’est pas terminé et la situation évolue encore au Liban. Ces sept personnages on peut les développer de manière très profonde avec un long-métrage. Mais on dit ça…c’est ce que moi je veux…on ne sait pas…

Est-ce qu’il y a des grands noms du cinéma libanais qui t’inspirent ? Par exemple, actuellement Jocelyne Saab est assise pas loin de toi…

Je vois le courage chez eux, c’est beau les messages qu’ils transmettent. Ces réalisateurs ont vécus la guerre, ils ont vraiment été touchés. La nouvelle génération – il y a des vrais talents  - n’a pas vraiment été touchée par la guerre, par le sens, plus par la politique, par ce qui s’est passé en 2006. Donc les sujets abordés dans le cinéma libanais vont changer. Bien sûr il y a la politique, mais il y a beaucoup d’autres messages.

Qu’est ce qui touche la jeune génération actuellement ? 

Je pense que c’est l’immigration. Toute ma famille est dehors, mes amis sont dehors. Sometimes you feel that you’re alone dans ton pays. C’est bizarre. Il y a aussi le manque de travail… Mais ce qui est bien au Liban c’est qu’il y a un truc, une flamme, un charme, un feeling, un sentiment qui est fort. Il faut trouver le secret.

Fais-tu parti des libanais qui vont partir, partir pour mieux revenir et changer les choses ici ?

Il ne faut pas s’attendre à ce que les choses changent toutes seules. Il faut partir pour grandir, gagner de l’expérience, voir autre chose, d’autres cultures et retourner avec un bon bagage. Ici il y a des problèmes politiques qui ne nous laissent pas la chance de faire ce qu’on veut, donc je comprends les gens qui s’en vont. C’est malheureux, mais c’est la réalité. 

Quels sont tes projets pour l’avenir? 

Ici le monde de la publicité marche, mais c’est loin du cinéma. Je viens de terminer quelque chose donc toutes les portes sont ouvertes… La possibilité de partir ailleurs m’intéresse, éventuellement en France. Je ne me sens pas étrangère là-bas, les français sont proches de nous et puis j’ai ma famille là-bas. 

Tu es donc sélectionnée pour le festival, quel effet cela te fait ?

C’est très excitant. It’s nice. Le Festival du cinéma libanais regroupe tout ce qu’il y a de nouveau, donc il y a cette curiosité de voir ce qu’il y a dans la tête des réalisateurs libanais. Je suis très heureuse d’être parmi ces films.


Aout 2012
Interview réalisé par Lucile Gasber

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